Effectuation … C´est quoi l´effectuation ? Par Pascal Oberson

Effectuation … C´est quoi l´effectuation ? Par Pascal Oberson

Dans la plupart des écoles de gestion ou de commerce, lorsque l’on assiste à des formations concernant le raisonnement, les techniques et les méthodologies dans le domaine de la création d’entreprise et de l’entrepreneuriat, l’enseignement est exclusivement orienté sur une logique ou approche causale.

Avant d’aborder l’approche effectuale, d’où vient le terme « effectuation », il est nécessaire de revenir brièvement sur l’approche causale.

Approche causale

Nous pourrions résumer l’approche causale comme suit …

Partir d’un objectif à atteindre et déterminer les moyens pour y parvenir.

En appliquant une approche causale, l’entrepreneur base totalement son projet entrepreneurial sur la « prédiction et le suivi d’un plan ».

C’est-à-dire que l’enjeu consiste à éviter toutes les mauvaises surprises et arriver le plus rapidement possible au but final en respectant un budget.

Au démarrage, le but doit être clairement défini. Sous forme d’études, le marché (étude de marché) et la concurrence doivent être analysées. Un plan d’action (business plan) est définie dans ses moindres détails en valorisant les hypothèses de travail (plan financier) afin d’atteindre le but final. On parle de part de marché, plan marketing, chiffre d’affaire, bénéfice à venir.

La réussite est évaluée en rapport des résultats atteints et des moyens financiers mis en œuvre.

Certes, cette approche fonctionne dans un marché établi, avec des acteurs connus mais lorsque l’entrepreneur démarre dans un marché émergeant, incertain ou dans l’innovation, ce qui est la majorité des cas, il est rapidement confronté à l’incapacité de prédire l’avenir, d’élaborer une stratégie précise et surtout, appliquer un business plan qui ne repose sur rien de solide et qui finira de toute façon par tuer toute créativité.

Il existe pourtant une méthode diamétralement opposée et cette approche se nomme l’effectuation.

Approche effectuale (effectuation)

Nous pourrions résumer l’approche effectuale comme suit …

Partir des moyens dont on dispose pour définir un objectif possible.

A la question « quel est le processus de décision des entrepreneurs ayant réussi ? », des études menées par Saras Sarasvathy en 2001 ont démontrées que les entrepreneurs experts ne suivaient pas du tout majoritairement une démarche basée sur la prédiction mais que ces derniers avaient recours à un tout autre raisonnement.

Elle démontre au travers de ses recherches sur 27 entrepreneurs ayant réussi (CA supérieur à 200 millions $) que ces derniers ne raisonnaient pas selon une approche causale mais qu’ils appliquaient une autre approche qui lui est opposée et qu’elle appelle la logique effectuale.

 

Des Mythes

Dans l’approche de l’effectuation, on commence par reprendre quelques mythes.

L’entrepreneur adore le risque

L’entrepreneur n’aime pas le risque ! Il est plus confronté à un environnement « d’incertitudes » plutôt que celui du risque. Le souci de l’entrepreneur est plutôt de réfléchir en termes de pertes acceptables à venir et non de bénéfices.

L’entrepreneur est un visionnaire

Dans la majorité des cas de projets « aboutis », ce n’est que très rarement l’idée à l’origine du projet qui est finalisée. L’idée finalisée est le fruit d’une évolution au fur et à mesure de l’avancement du projet !

L’entrepreneur est un expert en prévision

Les entrepreneurs expérimentés ne cherchent pas à anticiper un marché pour se positionner. Au contraire, ils essayent d’éviter les prédictions. Les entrepreneurs cherchent à transformer les modèles et les marchés.

L’entrepreneur est un génie

L’entrepreneur n’est pas un génie. Il a ses qualités et ses défauts. Ce qui fait la qualité de l’entrepreneur, c’est sa capacité a fédérer et intéresser des parties prenantes à intégrer son projet.

L’entrepreneur réussi seul

L’entrepreneur peut commencer un projet seul, mais très rapidement, la réussite dépendra de sa capacité à se faire entourer. La réussite dépendra surtout d’une équipe.

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Le raisonnement de l’entrepreneur en 5 principes

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

L’entrepreneur part avec ce qu’il a, qui il est, ce qu’il connait et qui il connait. C’est à partir de ce qu’il a au départ que l’entrepreneur se met en action afin de convaincre des parties prenantes à s’engager dans son projet.

La perte acceptable

L’entrepreneur réfléchis en termes de pertes acceptables à venir et non de bénéfices. L’entrepreneur fixe une somme et des limites dans le temps de pertes acceptables. Combien et jusqu’à quand.

Le patchwork fou

Comme son nom l’indique, on ne sait pas vraiment dans quelle direction le projet va s’orienter suite à la venue de nouvelles parties prenantes. A chaque nouvelle partie prenante, c’est une nouvelle ressource telle que financière, humaine, matériel, etc. Le projet se construit tel un patchwork.

La limonade

En réalité, dans un projet entrepreneurial, il y a une succession de surprises (bonnes ou mauvaises) et ceci malgré toute la bonne volonté à vouloir tout planifier à l’avance. En effectuation, au lieu de se battre et dépenser son énergie à éviter les surprises, on va les accueillir et les exploiter afin d’en tirer partie.

Le pilote dans l’avion

L’entrepreneur n’est pas dans une logique de pronostique, ni n’essaye de prédire l’avenir, il essaye plutôt de le contrôler. Il transforme et construit l’avenir avec d’autres. Le futur dépend de ses actions dans le présent.

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Le processus entrepreneurial

L’approche effectuale est avant tout un processus social !

Dans l’approche effectuale, le démarrage d’un projet entrepreneurial, c’est l’entrepreneur lui même.

L’entrepreneur se met en action afin de créer une dynamique d’engagement de parties prenantes à son projet.

Si l’entrepreneur réussi à fédérer et à motiver des parties prenantes à s’engager dans son projet, c’est l’assurance d’une expansion de ressources et la viabilité du projet. Ces nouvelles ressources lui donneront la possibilité de redéfinir le but du projet.

Au final, c’est l’opportunité de créer un nouveau produit, un marché ou une entreprise qui n’existait pas au démarrage du projet entrepreneurial.

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En conclusion

Cette approche ne s’applique pas uniquement à la création d’entreprise mais également en interne d’une entreprise (intrapreneuriat), pour une collectivité, une association, etc.

Devenir ou être entrepreneur est à la portée de chacun !

Rappelons-nous que le futur dépend de nos actions dans l’instant présent. L’action engendre le mouvement et le mouvement entraine des individus.

Êtes-vous prêt à vous lancer ?

Par Pascal Oberson

Dans la série … l’Effectuation

C´est quoi l´effectuation ?
Un entrepreneur, qui est-ce ?
Comment les entrepreneurs raisonnent-t-ils ?
Le processus entrepreneurial.

Liens

Philippe Silberzahn Professor of entrepreneurship and innovation
EMLYON Business School de Lyon
Effectuation.org

Pascal Oberson

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